S’en tenir à la terre

Aujourd’hui la terre retrouve ses lettres de noblesse grâce à des professionnels et des amoureux du patrimoine qui partagent leur connaissance et leur savoir-faire afin de perpétuer cette tradition architecturale. La terre est un matériau d’avenir qui est de plus en plus utilisé dans la construction et peut être une réponse aux préoccupations environnementales actuelles. Cet héritage culturel remis à jour est au cœur d’enjeux écologiques et sociaux.

L’extension de l’école verra une partie de sa structure composée de murs en terre allégée pour les pignons sud et nord avec une finition en enduit terre.

À quoi correspond le principe de « terre paille allégée » ?

C’est de la paille légèrement enrobée de terre. C’est un assemblage très dense, sensiblement de la même densité qu’une motte de paille compressée. Cela permet d’avoir de grandes fibres fermées, qui allègent la terre et permettent une isolation efficace.

Comment êtes-vous venu à la terre crue ?

J’étais maçon de formation conventionnelle avec la faible conviction de vouloir bétonner les campagnes ! En 2006, je commence à me former auprès de « gens de la terre ». Ils venaient de milieux alternatifs, associatifs, avec de fortes convictions écologiques. Mon intérêt se portait aussi sur la dimension patrimoniale et tout l’apprentissage lié à la « matière terre ». C’est le même métier mais je ne porte pas le même regard sur ce que je fais, et c’est une différence essentielle. Il y a un tournant en 2010 : parallèlement à une demande nationale de légiférer, des écoles de formation terre et des regroupements de professionnels se structurent. On s’entraide, on se transmet des savoirs-faire, cela génère de l’émulation, il y a de l’intensité sociale sur les chantiers. La terre c’est sain, c’est confortable, à la fois pour ses critères esthétique, acoustique, de régulation thermique et hygrométrique.

Quelles perspectives entrevoyez-vous ?

Je n’ai pas de pouvoir de divination ! C’est intéressant de regarder l’histoire dans un premier temps. Au sortir de la 2ème guerre mondiale les AFPA sont créés. Il est décidé que l’on n’y apprendra pas la maçonnerie en terre crue parce que ce n’est pas la ligne défendue à l’époque : il fallait aller vite, on manquait de main d’oeuvre et il fallait faire la promotion de l’industrialisation. Au XXIème siècle, les perspectives pourraient changer : la main d’oeuvre on en a, on doit trouver une alternative à l’industrialisation trop carbonée et apprendre à aller moins vite, avec une économie plus au service de la terre et de l’humain. Il y a aussi des freins normatifs et des manques dans la législation. Concrètement un assureur ne s’engagera pas sur une nouvelle construction avec des fondations en terre. Il faut des structures porteuses maçonnées dans un autre matériau (C’est le cas de l’extension de l’école). Cela n’empêche pas certains particuliers de prendre cette responsabilité à leur charge.

Vue sur le pignon sud de l’école

 

 

 

 

 

 

 


Un inventaire sur les architectures en terre de la commune a été mené d’octobre 2022 à avril 2023 par 4 étudiantes, dans le cadre de leur master Restauration et Réhabilitation du patrimoine bâti et des sites (Rennes 2 Université) en partenariat avec la commune et le service de l’Inventaire du patrimoine culturel de la Région Bretagne. En sillonnant le territoire communal les étudiantes ont pu croiser leurs connaissances avec les particuliers.

Qu’est-ce qu’un inventaire et quels sont ses objectifs ?

C’est une démarche scientifique qui consiste à recenser, étudier et faire connaître les éléments patrimoniaux d’un territoire. Le recensement sur le terrain est suivi d’un travail de recherches documentaires. L’ensemble des connaissances acquises est répertorié dans une base de données à laquelle tout le monde à accès : https://patrimoine.bretagne.bzh/ « Architecture en terre Melesse » dans la barre de recherche. Les objectifs sont de favoriser la préservation des bâtiments en terre, de partager l’intérêt patrimonial de cette architecture par la compréhension de l’histoire des savoir-faire et le lien entre la construction en terre et les enjeux écologiques, environnementaux, économiques, énergétiques et démographiques.

Quels types de constructions ont été répertoriés ?

Des manoirs, fermes, maisons, dépendances, granges, fournils et fours à pain. La grande majorité est constituée de fermes isolées ou en hameau et de maisons. On observe également des murs de clôture en terre. Ils ont souvent été construits pour délimiter des propriétés, des jardins ou encore le cimetière. Nous retrouvons aussi le lavoir de la Basse Forge, construit en bauge. C’est le dernier témoin de son genre. En effet, c’est le seul lavoir en bauge recensé en Bretagne.

Pourquoi y a-t-il autant de bâtiments en terre crue ?

Utiliser de la terre comme matériau de construction était une pratique très fréquente dans le bassin rennais. La terre dispose ici d’un taux d’argile idéal pour la construction. C’est un matériau facilement accessible localement (pas ou peu de difficultés de transport), résistant et isolant. Les fermiers de l’époque avaient généralement un faible apport financier pour construire uniquement en pierre, qui était un matériau onéreux. La pierre était utilisée notamment pour réaliser les
soubassements.

Récapitulatif de l’inventaire :
286 constructions en terre répertoriées, dont :
  • 280 en bauge
  • 47 en torchis (les 2 techniques peuvent être combinées)

On retrouve 2 techniques principales sur la commune

La bauge est une superposition de levées de terre tassées puis tranchées. Les levées sont mises en œuvre sur un soubassement en contact direct avec le sol, et qui doit être solide, et résistant à l’humidité. Les levées sont les couches successives de terre. Pour pouvoir la mettre en oeuvre, la terre est mélangée à de l’eau et généralement à des fibres végétales comme armature (paille de blé, d’orge, d’avoine, de lin ou du chanvre…) ou animales (crin de cheval, soie de porc…). Les fibres ont pour rôle de limiter les fissures lors du séchage, de favoriser la cohésion lors du mélange.

Le torchis est une technique qui consiste à combler un vide d’une armature porteuse en bois (colombage ou pan de bois) avec un mélange de terre, d’eau et de fibres. Ce processus combine différentes longueurs de fibres afin de minimiser les fissures. Elles rendent la terre plus souple lors de sa mise en œuvre et consolident la liaison et la plasticité du torchis.

  • 73% en bon état, soit 210 bâtiments
  • 15% en état moyen, soit 42 bâtiments
  • 2% en mauvais état de conservation, soit 7 bâtiments

La bonne conservation d’une maison en terre requiert trois conditions :
• Des bottes : un soubassement en pierre étanche mais respirant.
• Un manteau : Un enduit perméable. Attention, le ciment est à proscrire. La terre a besoin de respirer tandis que le ciment, lui, se caractérise par sa rigidité et son imperméabilité. Le ciment va bloquer les échanges thermiques et hygrométriques que la terre régule de manière naturelle.
• Un chapeau de pluie : un toit débordant pour repousser les eaux de pluie loin des murs.

 

 

 

 

 

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