Durant la période particulière que nous traversons, il est important de conserver les repères de la vie républicaine.
La commémoration de l’Armistice du 8 mai 1945 constitue l’un de ces repères, dont il faut rappeler le sens à tous nos concitoyens.
A 11h, au pied du Monument au morts, une gerbe de fleurs est déposée, suivi d’un temps de recueillement.
Voici les discours prononcés :
Le 7 mai 1945, à 01h41, le général Alfred JODL, chef d’état-major des armées allemandes, signe la capitulation sans conditions du IIIème Reich à Reims au QG du général Dwight EISENHOWER, commandant suprême des forces alliées en Europe. Le chef de l’Etat soviétique, Joseph STALINE exige une seconde capitulation sur le front oriental. Le 8 mai 1945, à 23h, le maréchal Wilhem KEITEL, commandant en chef des armées allemandes fait une entrée grandiloquente au QG des forces soviétiques. Il y est accueilli de façon glaciale par le maréchal Gueorgui Konstantinovitch JOUKOV, commandant en chef des armées soviétiques, et signe rageusement la capitulation de l’Allemagne nazie devant des officiers soviétiques, américains, britanniques et français. JODL et KEITEL seront jugés coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité lors du procès de NUREMBERG. Ils seront tous deux exécutés par pendaison en octobre 1946 à NUREMBERG, sur les lieux même des premiers grands rassemblements nazis.
Ce 8 mai 2021, nous souvenons nous de ces deux signatures qui mirent fin à plus de cinq effroyables années de guerre en Europe et dans le monde ? Nous souvenons nous qu’à peine vingt ans après un premier suicide collectif des nations européennes, ces dernières se sont de nouveau entretuées, de manière encore plus cruelle et inhumaine ? Nous souvenons nous de cette politique industrielle de mise à mort des juifs d’Europe, des tziganes et des homosexuels, sous le simple prétexte que ces hommes, ces femmes, ces enfants étaient nés ? Nous souvenons nous surtout que, partout en Europe, en Angleterre, en France, en Pologne, aux Pays Bas, en Italie, en Belgique ou en Tchécoslovaquie et jusqu’au cœur de l’Allemagne nazie, des hommes et des femmes se sont dressés face à l’ordre et à la barbarie nazis ?
Le 20 juillet 1944, une charge explosive détruit une salle du camp de Rastenburg, en Prusse orientale, dans laquelle HITLER avait réuni son état-major. Le colonel Claus VON STAUFFENBERG dépose une sacoche contenant un explosif muni d’un système de mise à feu à retardement avant de s’éclipser. Malheureusement, la sacoche est déplacée par un autre officier et le tyran échappe de justesse à la mort. Aussitôt, la SS et la Gestapo se mettent à la recherche des auteurs de l’attentat. Il s’agit d’un groupe d’officiers de l’armée allemande dirigé par le colonel Claus VON STAUFFENBERG. Les conjurés sont arrêtés dans la soirée du 20 juillet et fusillés dans la nuit. Dès 1938, des officiers de l’armée allemande s’opposent au parti nazi et à la politique expansionniste du Reich. Ils nourrissent une aversion profonde pour HITLER, la SS et la Gestapo, beaucoup découvrent avec effroi sur le front de l’Est la politique d’extermination raciale des SS. Dès 1937, ils prennent contact clandestinement avec les gouvernements britannique et français afin d’inciter ces derniers à se montrer très fermes avec HITLER. Mais les démocraties cèdent à la recherche de la paix à tout prix et la guerre emporte tout. Ces officiers allemands fomentent plusieurs tentatives de coup d’Etat, toutes avortées. A partir de 1942, il apparaît à plusieurs officiers allemands de haut rang que la seule solution efficace consiste à tuer HITLER et HIMMLER, chef de la SS pour cesser les combats et rétablir la paix et le régime démocratique d’avant 1933. Plusieurs tentatives d’assassinat échouent avant l’attentat du 20 juillet 1944. L’amiral Wilhem CANARIS, chef des services secrets est également un opposant clandestin aux nazis. Il est arrêté et exécuté par les SS après l’attentat du 20 juillet. Cette résistance militaire intérieure ne fut pas la seule en Allemagne nazie. Des hommes et des femmes, issus des milieux universitaires, sociaux-démocrates, catholiques, protestants, communistes, anarchistes ou aristocratiques résistent, comme ils peuvent. 3000 allemands participent en France à la Résistance. Tous sont impitoyablement pourchassés par le nazis et nombreux sont ceux qui, trahis, sont arrêtés et assassinés. Durant ces années tragiques, tous les Allemands n’étaient pas des nazis.
En France, ils furent des milliers à se lever, dès l’occupation du pays. Des hommes et des femmes venus de tous les milieux, des chômeurs, des avocats, des ouvriers, des ingénieurs, des courageux, des peureux, des étrangers, des pères, des fils, des mères, des filles, des communistes, des royalistes, des bourgeois, des pacifistes, des timides, des grandes gueules. Rien que des humains ordinaires, devenus peuple de la nuit pour que l’Homme ne devienne pas pire que les bêtes, pour le salut de l’Humanité, pour le salut de la France. Le 23 mars 1941, était exécuté Gerardus Beks, ressortissant néerlandais, électricien travaillant au Bourget. Il fut le premier fusillé du Mont Valérien, en région parisienne. L’armée allemande y fusilla 1008 hommes pour leur engagement au service de la liberté de l’Homme et de la France. Ils étaient résistants, espions, gaullistes, otages, juifs, croyants, athées, français, européens ou étrangers. Ils s’appelaient Joseph EPSTEIN, Valentin FELDMAN, Gabriel PERI, Missak MANOUCHIAN, Mohammed MOALI, André BLOCH, Jan DOORNIK ou Jean-Claude CHABANNE.
Le 16 novembre 1940, le général de GAULLE crée l’Ordre de la Libération afin d’honorer celles et ceux qui se seront distingués dans l’œuvre de libération de la France. 1038 personnes ont été faits compagnons de la Libération. 73 étrangers, de 25 nationalités différentes, comptent parmi ces compagnons. Seules 6 femmes figurent dans les rangs de l’Ordre de la Libération. Ce chiffre est très en deçà de leur proportion dans les rangs de la Résistance. Daniel CORDIER, compagnon d’armes de Jean MOULIN et compagnon de la Libération, s’est éteint le 20 novembre 2020. Le dernier compagnon encore en vie s’appelle Hubert GERMAIN. Il aura bientôt 101 ans. Il s’est embarqué le 24 juin 1940 pour l’Angleterre, a combattu en Egypte, en Lybie, en Tunisie, a participé au débarquement de Provence et à la libération de Toulon en 1944. Ultime compagnon de la Libération, il sera inhumé à sa mort dans la crypte du Mont Valérien. Il rejoindra alors pour l’éternité ses camarades, ces femmes et ces hommes qui avaient refusé de tout leur être que la liberté de notre pays, l’honneur de la France, la fraternité de nos vies, et pour finir, l’idée même de l’Homme, soient souillées par les brutes nazies. Aujourd’hui encore, notre dette à leur égard est incommensurable.
Aujourd’hui, notre monde vacille, des dirigeants de vastes contrées n’hésitent plus à rabaisser la vérité et la liberté au rang de simple opinion, des technocrates alliés à des marchands du Temple foulent aux pieds la fraternité. Partout s’installent ou veulent s’installer l’oppression, la brutalité, l’égoïsme et le mépris de l’Homme. Plus que jamais, la résistance est un devoir.
François JACOB, étudiant en médecine, rejoint les Forces françaises libres en juin 1940 et combat en Tunisie, en Lybie et en Normandie. Il est blessé au combat à plusieurs reprises. Il est fait compagnon de la Libération en novembre 1945. Revenu à la vie civile, il doit renoncer à ses rêves de chirurgien en raison de ses blessures. Il s’oriente alors vers la biologie et décroche le prix Nobel de médecine en 1965. Reçu à l’Académie française en 1997, il dira dans son discours de réception : « A chaque menace d’asservissement, on verra toujours se lever le petit groupe de ceux pour qui la paix ne s’achète pas à n’importe quel prix ; l’éternelle poignée de ceux qui, pour témoigner, sont prêts à se faire égorger. »
Souvenons-nous de ces femmes et de ces hommes, venus de la nuit, passés à la lumière malgré la peur et les souffrances, par la simple force de leur foi inébranlable en l’Homme et en la Liberté.
Souvenons-nous d’eux, nous le leur devons. Ils sont une boussole pour ces temps incertains, dans la nuit et le brouillard.
« Nuit et Brouillard » était le nom de code d’un décret signé par le maréchal Wilhem KEITEL en 1941. Ce décret permettait de prendre toutes les mesures permettant de faire disparaitre dans un secret absolu tous les opposants à l’oppression du IIIème Reich.
On peut emprisonner un homme, on peut assassiner une femme, on peut les faire disparaître à jamais. Mais qui peut emprisonner une idée ? Qui peut empêcher cette idée de s’échapper et d’être reprise par d’autres hommes et d’autres femmes qui, à leur tour, la porteront vers d’autres compagnons ?
Indéfiniment.
« Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place.
Aroun PAJANIRADJA, élu référent correspondant à la défense
8 mai 1945.
Par deux fois, l’Allemagne a signé sa capitulation sans condition. Pour L’Europe, la délivrance est là, la guerre est finie. Enfin. Après tant de souffrances et de désolations, après tant d’espérances et de luttes acharnées. Mêmes les épreuves les plus douloureuses ont une fin. Même les tempêtes les plus dévastatrices s’achèvent.
Une joie bouleversée emplit les cœurs, les drapeaux ornent les fenêtres, les embrassades se noient dans la liesse populaire. Derrière les larmes de joie, celles de la peine affleurent. Personne n’oublie les villes ruinées, les vies dévastées, personne n’oublie que l’humanité a payé le plus lourd tribut de son histoire. Notre monde en fut à jamais changé. La Seconde Guerre mondiale est une rupture pour notre civilisation qui se sait, encore davantage, fragile et mortelle.
Soixante-seize ans plus tard, reliés par notre mémoire commune et épris de la même reconnaissance, nous nous unissons par la pensée et par notre hommage pour saluer le souvenir de celles et ceux qui ont combattu et abattu le fléau nazi.
Pour notre pays, rien ne fut simple, ce combat prit de nombreux visages et la victoire mille chemins. Malgré les ardents soldats de Moncornet, d’Abbeville, des Alpes, de Saumur et tous « ceux de 40 » l’ombre de l’occupation, de la division puis de la collaboration a jeté son voile obscur sur la France.
Il y a 80 ans, en 1941, les flambeaux de la Résistance brillaient déjà. Le flot du refus et de l’espérance montait tandis que la répression forgeait son funeste souvenir à Chateaubriant, au camp de Souge ou au Mont-Valérien. La France libre recevait les ralliements des territoires ultramarins et poursuivait son inlassable épopée. Dans les sables de Koufra, elle nouait un pacte avec la victoire et par la voix du colonel Leclerc regardait déjà vers Strasbourg. A l’instar d’Hubert Germain, dernier des compagnons de la libération, ce fut toute une jeunesse ardente et résistante qui refusa la défaite et l’asservissement, qui refusa de servir les desseins de l’occupant. Tous, ils ont permis à la France de s’assoir à la table des vainqueurs.
Cela fut rendu possible par le combat acharné des armées françaises et des armées alliées, par les Forces Françaises Libres qui jamais ne cessèrent la lutte, par le dévouement des résistants de l’intérieur, par chaque Française et Français qui a refusé l’abaissement de la France et la négation de ses valeurs. Notre gratitude demeure indéfectible.
Entendons les mots de Malraux : « un monde sans espoir est irrespirable ». La victoire de 1945 est le succès de l’espérance, mais elle est aussi l’aube d’un nouvel effort collectif pour la reconstruction, pour la paix et pour l’Europe. Hier comme aujourd’hui, face aux épreuves et aux crises du temps, la Nation française se tient debout, résiliente et espérante.
Unis et solidaires, souvenons-nous de l’adversité surmontée et de la liberté reconquise.
Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès des la ministre des Armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants.